ADHÉSION de la FRANCE à
 
l'UNION GÉNÉRALE DES POSTES

© Jean-Louis BOURGOUIN

 

LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE DE 1870-71

 

     On peut se demander pourquoi la France n'a pas appliqué le traité de Berne au 1er juillet 1875, comme la plupart des autres pays d'Europe.
     Voici les raison données à l'Assemblée Nationale lors des discussions sur la ratification du traité de Berne, le 3 juin 1875 :

     "Le Gouvernement n'avait pas cru pouvoir autoriser son délégué à signer le traité de Berne en même temps que les vingt-et-un autres Etats représentés au Congrès, parce que, d'une part, l'ensemble des clauses de cet acte s'écartait sensiblement de nos doctrines traditionnelles et que, d'autre part, la fixation au 1er juillet 1875 de son entrée en vigueur était de nature à troubler nos prévisions budgétaires pour l'exercice courant, de même que la perspective d'une nouvelle réduction de tarifs, si une simple majorité de voix devait suffire à cet effet, en 1877, avait un caractère menaçant pour l'équilibre de nos budgets futurs.
     Sans méconnaître la nécessité de faire des concessions aux tendances et aux résolutions formelles des autres puissances, qui se ralliaient unanimement à des réformes dégagées de tout esprit fiscal, le Gouvernement français ne pouvait pourtant souscrire sans réserve à des conditions plus onéreuses pour la France que pour toute autre nation, en raison même des avantages que nous retirions de la position géographique de notre pays, et de la tarification exceptionnelle qu'il avait réussi à faire prévaloir à son profit.
     Après avoir acquis la conviction qu'il serait désormais impossible de songer à traiter avec les puissances étrangères sur d'autres bases que celles consacrées à Berne par une entente unanime de ces puissances, il ne nous restait plus qu'à chercher à atténuer les conséquences pour nos finances de notre participation à l'Union générale des Postes. Or, après des négociations spéciales, nous venons d'obtenir de tous les États contractants un acte additionnel qui consacre à notre profit :

     1° Le droit pour la France d'ajourner jusqu'au 1er janvier 1876, l'exécution du traité, ce qui laissera intact notre budget de 1876,

     2° La nécessité de l'unanimité absolue des suffrages au prochain congrès pour modifier les tarifs résultant du traité du 9 octobre 1874 ; d'où il suit que nous sommes assurés de ne consentir qu'à notre heure, c'est-à-dire lorsque l'état de nos finances le permettra, à un nouvel abaissement des taxes internationales, lequel entraînerait forcément une réduction correspondante sur notre tarif intérieur,

     3° La perception des droits de transit d'après les distances réellement parcourues et non plus d'après les distances calculées à vol d'oiseau ; réserve qui assurera au transit une rémunération plus en rapport avec le service rendu effectivement et fera passer dans la catégorie des parcourt donnant droit à la rétribution la plus élevées, nos lignes, par exemple, de Modane à la frontière belge, à Calais et à Irun ; de Genève à Erquelines et à Irun ; de Pontarlier à Irun ; d'Avricourt à Perpignan, etc.
     Ces concessions importantes, jointes au souci des intérêts de notre commerce, au nom desquels les Chambres syndicales et la presse n'ont cessé de réclamer l'entrée de la France dans l'Union générale des Postes, ont triomphé de nos hésitations antérieures, et notre Ambassadeur à Berne a été autorisé à signer le 3 mai, au nom de la France, le Traité et l'article additionnel dont nous vous prions aujourd'hui, messieurs, de vouloir bien autoriser le ratification.
"

     Comme on peut le constater, les raisons du retard de la France à signer le traité de Berne sont essentiellement financières. Ce qui ne figure pas dans le document ci-dessus, c'est l'indemnité de 5 milliards de francs (somme colossale) que la France devait verser à l'Allemagne (suite à la défaite de 1870-71) et dont le dernier versement devait s'effectuer en 1874. Le traité de Berne n'arrivait donc pas au bon moment pour les finances du gouvernement français.

 

La loi du 3 août 1875

 

     Le traité d'Union Générale des Postes, conclu à Berne, le 9 octobre 1874, entre tous les États d'Europe, la Turquie, l'Égypte et les États-Unis de l'Amérique du Nord, n'entrera en vigueur en France qu'à partir du 1er janvier 1876. L'adhésion de la France sera entérinée par la loi du 3 août 1875. Une loi, on ne peut plus succincte, pour un traité qui révolutionne les relations postales internationales. La voici dans son intégralité :
 

Loi qui approuve le Traité de création d'une Union Générale des Postes
et modifie la Taxe des lettres circulant à l'intérieur.
Du 3 Août 1875.
( Promulguée au Journal officiel du 14 août 1875.)
L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ LA LOI
dont la teneur suit :

ART. 1 Le Président de la République est autorisé à ratifier et, s'il y a lieu, à faire exécuter, à partir du 1er janvier 1876, le Traité concernant la création d'une union générale des postes, conclu à Berne, le 9 octobre 1875, et dont une copie authentique demeurera annexée à la présente loi.
   2. Des décrets insérés au Bulletin des lois détermineront les droits ou taxes à percevoir, par l'administration des postes, sur les objets désignés dans l'article 2 du Traité de l'union générale des postes.
   3. La taxe des lettres nées et distribuables en France et en Algérie sera fixée, à partir du 1er janvier 1876, conformément aux indications du tableau suivant :
 

POIDS DES LETTRES

LETTRES

circulant

de

bureau à bureau.

LETTRES
nés et
distribuables
dans la
circonscription
du même bureau
et de Paris
pour Paris

Affranchies

Non affranchies

Affranchies

Non affranchies

     Jusqu'à 15 grammes inclusivement.........................................
     Au-dessus de 15 grammes jusqu'à 30 grammes inclus............
     Au-dessus de 30 grammes jusqu'à 50 grammes inclus............
     Au-dessus de 50 grammes, augmentation par chaque
             50 grammes ou fraction de 50 grammes.........................

0F 25C
0  50
0  75

0  50

0F 40C
0  80
1  20

0  75

0F15C
0  30
0  45

0  25

0F25C
0  50
0  75

0  45

 

Délibéré en séance publique, à Versailles, le 3 Août 1876.
 
                                                                                                       Le Président,
                                                                                    Signé Duc D'Audiffret-Pasquier.

                                                                                                      Les Secrétaires,
                                                                        Signé Louis de Ségur, E. Lamy, FélixVoisin,
                                                                                       T. Duchatel.


LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA PRESENTE LOI.

                                                  Signé Mal de Mac Mahon duc de Magenta.

Le Ministre des finances,                                                 Le Vice-Président du Conseil, chargé, par intérim,
                                                                                                         du ministère des affaires étrangères,
     Signé Léon Say                                                                                        Signé L. Buffet.

 


     Comme vous pouvez le constater, l'incidence du traité de Berne sur les tarifs intérieurs français n'est pas révolutionnaire, comparée à celle sur les tarifs extérieurs (voir "Union Générale des Postes" Présentation).

     Toutefois, lors de la fixation du budget général des dépenses et recettes de l'exercices 1876, deux articles, glissés entre le budget de l'État (2.570.505.513 F) et les crédits affectés aux dépenses départementales (375.657.842 F), apporteront un petit zest de Berne en plus.

LE BUDGET GÉNÉRAL DE 1876

 

     Voici ces deux articles :
 
   6. Le port des échantillons de marchandises avec ou sans imprimés, des épreuves d'imprimerie corrigées et des papiers de commerce ou d'affaires est fixé, pour chaque paquet portant une adresse particulière, à cinq centimes par cinquante grammes ou fraction de cinquante grammes.

   7. Le port des circulaires, prospectus, catalogues, avis divers et prix courants, livres, gravures, lithographies en feuilles, brochés ou reliés, et en général de tous les imprimés expédiés sous bande, autres que les journaux, ouvrages périodiques, circulaires électorales et bulletins de vote, est ainsi fixé :

      De 5 grammes et au-dessous...................................................................................0F 02C
      Au-dessus de 5 grammes jusqu'à 10 grammes inclusivement................................0  03
      Au-dessus de 10 grammes jusqu'à 15 grammes inclusivement..............................0  04
      Au-dessus de 15 grammes jusqu'à 50 grammes inclusivement..............................0  05
      Au-dessus de 50 grammes, le port est augmenté de 5 centimes pour chaque 50 grammes
ou fraction de 50 grammes excédant.

   8. Sont maintenues toutes les dispositions des lois sur les taxes postales auxquelles il n'est pas dérogé par la présente loi.
 

Tarif du 1er janvier 1876
PAPIERS D'AFFAIRES (jusqu'à 50 g.)
Affranchissement à 5 c.

     Cette lettre ouverte, postée à Melun le 1 mars 1876, contenait des papiers d'affaires. Elle a donc été affranchie au nouveau tarif à 5 centimes.

 

    Vous retrouverez toutes ces informations dans les pages spécialisées de France.


 

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